Paola Pigani, autrice et poète, raconte son processus d’écriture

Paola Pigani est une autrice et une poète dont, et si vous me suivez, vous le savez, j’adore l’écriture. Voilà pourquoi j’ai pensé à elle pour une interview, la première de cette nouvelle catégorie. Elle a gentiment accepté d’y répondre. J’ai choisi de me concentrer sur son processus d’écriture au sens large. J’espère que ce nouveau format vous plaira et vous permettra de découvrir cette autrice.

Depuis combien de temps écrivez-vous ?

Depuis l’adolescence mais je pense avoir beaucoup thésaurisé durant l’enfance, observé, écouté, rêvé…Je n’ai jamais pensé à devenir écrivain.

J’ai suivi mon cheminement en écriture en solitaire durant de longues années jusqu’à rencontrer des lecteurs anonymes qui ont aimé mes premières nouvelles. L’idée de publier m’est venue tard. Ce n’était pas un aboutissement en soi. L’essentiel pour moi était de pouvoir m’exprimer plus facilement que par la parole, de créer et de voyager dans mon arrière- monde.

Qu’est-ce qui vous a donné envie d’écrire ?

La chanson, la poésie, grands révélateurs d’images et d’émotions.

Le besoin d’approcher d’autres réalités et une langue intime.

La lecture.

Pourquoi écrivez-vous ?

Pour aller plus loin dans la vie. La littérature est un cheminement pour trouver un sens à l’ordre et au désordre du monde. S’interroger sur la place que chaque être humain peut avoir, sur les liens nécessaires entre les individus, les groupes, la vie matérielle, les valeurs immatérielles. Je pense qu’on peut œuvrer en littérature pour créer un regard distancié qui traverse les apparences, les vérités toutes faites, les certitudes, pour aller ensemble vers des clairières humaines: espérer vivre plus fort encore dans l’acceptation de l’autre.

Avez-vous un rituel d’écriture ?

J’écris toujours à la main sur un carnet ou un cahier, peu importe où et quand mais en silence.

La main pense à voix haute
le mot en convie un autre
Sur la feuille où j’écris
vont et viennent les êtres que je voi
s
Octavio Paz

Comment naît l’idée d’un roman/recueil : pensez-vous d’abord à un thème, un personnage, un sentiment, une intrigue… ?

En écriture, je ne pars jamais de rien, l’écriture est un grand corps vivant et je la nourris depuis des années alors que je n’avais même pas l’idée de devenir écrivain. Un projet d’écriture naît souvent de quelque chose qui me dépasse et que je veux traverser.

Comment trouvez-vous votre inspiration ?

(…) il y a une mémoire, plus ancienne que les souvenirs, et qui liée au langage, à la musique, au son, au bruit, au silence: une mémoire qu’un geste, une parole, un cri, une douleur ou une joie, une image, un événement peuvent réveiller. Mémoire de tous les tempos qui sommeille en nous et qui est au cœur de la création.
Je me retrouve beaucoup dans ces propos d’Edmond Jabès.

Je trouve la matière première dans de nombreuses réminiscences de l’enfance, de mes voyages, de mes rêves. Les lieux me parlent encore, j’éprouve la nécessité de les repeupler de voix, de visages, de fantasmes, d’émotions. Sans en prendre conscience, quelque chose se révèle au fil des pages, de l’ordre de la mémoire sensorielle mêlée à des élans imaginaires qui ourdissent l’écriture et l’entraînent dans un certain désordre. Je dois parfois me laisser du temps pour que tout prenne corps, mes personnages, leurs trajectoires, leur complexité. Ils s’approchent, s’éloignent, certains disparaissent. Patience et travail s’imposent jusqu’à ce qu’ils deviennent suffisamment vivants pour porter leur histoire.

Quelle part laissez-vous au « réel » ?

Mes personnages sont toujours ancrés dans une époque, des lieux réels. Je veux qu’ils me donnent à voir, à comprendre une certaine réalité humaine, sociale, politique. Ils ont parfois existé, je les ai croisés, connus mais l’écriture les rend autres. Littérature et poésie m’aident à pénétrer la complexité, la profondeur humaine. J’aime l’idée que mes lecteurs entrent dans le présent de mes personnages comme j’y suis entrée en écrivant. C’est peut-être cela le roman inventer un autre présent, une vraisemblance vivante.

Comment s’est déroulé la publication de votre premier texte ?

La recherche d’un éditeur est une phase de travail à inclure dans le projet d’un premier roman. On ne peut envoyer un manuscrit à l’aveuglette. La prospection et le choix peuvent prendre quelques mois. Pour ma part, j’ai sélectionné une dizaine de maisons en fonction de leur catalogue et de leur ligne éditoriale et j’ai attendu plus ou moins patiemment après mes envois postaux. A la première réponse positive, j’ai eu la chance de rencontrer mon éditrice pour échanger de vive voix sur le texte, la composition et quelques modifications.

Comment réussissez-vous à jongler entre poésie et roman ?

La poésie est à la naissance de tout. La poésie, c’est se glisser dans les interstices de la langue, de la syntaxe, une grande liberté pour enjamber les murs, les genres, les registres. C’est la matière première de la littérature en tout cas de mon écriture pour dépasser , aller au delà des images saturées, des alliances attendues, le premier moyen de transport que j’ai trouvé pour explorer le plus proche comme le plus lointain de ma vie, pour continuer à regarder , à vivre ce que je n’ai pas eu le temps de regarder ou de vivre. Dans le roman, je déploie une autre réalité, celle de mes personnages qui portent ma vision d’une époque, d’un fait divers, d’un drame, d’une injustice, d’une problématique sociale. Un roman selon moi doit toujours remuer quelque chose, nos émotions, notre mémoire, notre conscience ou nos questionnements. Un roman doit remuer « la mer gelée en nous » comme l’a écrit Kafka. Un roman qui ne remue rien n’est que du divertissement.

Vous avez publié trois livres en 2019, c’est plus que lors des années précédentes, comment l’expliquez-vous ?

Outre que certains textes nécessitent une plus longue maturation, un livre doit souvent attendre que sa sortie s’insère dans la programmation des éditeurs (mes recueils de poésie étaient prêts depuis 2018). Ce qui explique les trois publications la même année. De 2016 à 2017, j’ai aussi écrit un roman qui n’a pas été publié.

Avez-vous un projet en cours ? Si oui, pouvez-vous nous en dire quelques mots ? (thème, parution…)

La poésie est toujours en cours. Un roman prend forme dont le personnage principal est une jeune ouvrière. Il est encore tôt pour parler concrètement de parution.

Un conseil à donner quelqu’un qui souhaite se lancer dans l’écriture ?

Vivre. Lire. Ecrire chaque jour sans penser à l’objet livre, rester dans l’élan de l’écriture, ne pas craindre les traversées arides, laisser le texte durer dans l’intranquillité. Attendre plusieurs jours avant de se relire à voix haute. Retravailler jusqu’à vous étonner. Donner à lire votre texte achevé à un nombre restreint de personnes (éviter la flagornerie et les jugements hâtifs des réseaux sociaux).

Un autre vrai regard sur sa propre écriture peut redonner confiance en période de doute. Garder confiance en écrivant le plus régulièrement possible. Il n’y pas de temps perdu en écriture.

Pour découvrir son écriture :

N’entre pas dans mon âme avec tes chaussures

Venus d’ailleurs

Des orties et des hommes

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